Énergies douces

Le 11 janvier, nous sommes allés voir à Brest, le spectacle (Secret) et l’exposition (Monstration) de Johann Le Guillerm. L’association de l’art et de la science qu’il produit est originale et très réussie. Du spectacle, nous avons beaucoup aimé la tornade, les constructions éphémères en bois – qui m’ont rappelé celles d’Arne Quinze -, ainsi que les perches liées entre-elles, qui se déplacent avec un petit rien d’énergie potentielle mise en œuvre par l’artiste : des billes d’acier judicieusement placées dans un tube qui entre en rotation.

Trois machines (roues), se mouvant avec très peu d’énergie, nous attendaient, entre autres choses, à l’exposition. L’une utilise la dilatation de pois chiches au contact de l’eau. Les pois sont enfermés dans trois cylindres surmontés par des pistons qui agissent les uns après les autres en actionnant des engrenages. Une autre roue, constituée de lattes de bois, avance par la seule force d’un goutte à goutte (énergie potentielle).

La dernière roue utilise un cycle thermodynamique : la vapeur d’eau contenue dans l’air qui est enfermé dans la roue, condense sur ses parois. La géométrie des rayons de la roue fait que les gouttelettes d’eau entraînent celle-ci dans un sens. L’eau s’évapore ensuite, s’élève dans la roue et condense à nouveau. La chaleur est fournie par les lampes situées au dessus de la roue.

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Radiomètre de Crookes © Nevit Dilmen

Le déplacement des roues est tellement lent qu’il n’est pas perceptible par les visiteurs. Ces machines à énergies douces me rappellent le radiomètre de Crookes et l’oiseau buveur dont les mouvements sont visibles. Il est intéressant de noter que la raison du mouvement des ailettes dans le radiomètre de Crookes a nécessité bien des recherches et que Einstein y a contribué lui-même.

Récemment, une jeune canadienne de 15 ans, Ann Mikosinski, a gagné un concours d’innovation en développant une lampe torche dont l’énergie est tirée de la paume de sa main (utilisation de l’effet Seebeck et non Peltier comme indiqué dans l’article). La lampe n’a alors besoin ni de pile, ni de batterie

Le beau voyage d’une bouée dérivante

trackDans le cadre de mes activités professionnelles, je gère un réseau permanent d’environ 100 petites bouées qui dérivent dans l’Atlantique Nord et dans l’Arctique. Ces bouées sont constituées d’un flotteur de 40 cm de diamètre environ, muni d’une ancre flottante centrée à 15 mètres de profondeur lors de leur mise à l’eau.

Elles transmettent, en temps réel, toutes les heures, grâce aux satellites Iridium, leur position GPS ainsi que la température de la mer et la pression atmosphérique. Leurs données contribuent notamment à améliorer les prévisions météorologiques.

L’une d’elle (OMM n° 44774), mise à l’eau le 18 juillet 2012 par le navire océanographique espagnol Sarmiento de Gamboa près de la pointe sud du Groënland, s’est échouée le 4 janvier dans une petite crique du sud Finistère, à Porz Teg, entre Merrien et Doëlan plus exactement, sur la commune de Moëlan-sur-Mer. Chose incroyable, elle s’est échouée gentiment sur la plage, au fond de la crique, alors que la mer était particulièrement agitée : creux de 5 mètres si l’on en croit les houlographes les plus proches. Elle aurait pu se fracasser sur les rochers à seulement quelques dizaines de mètres de là. Elle n’avait plus son ancre flottante depuis plusieurs mois.

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Bouée dérivante de type SVP-B

Comme l’indique la carte ci-dessus, la bouée a parcouru plus de 10000 km en 17 mois et demi à moins d’un demi nœud de moyenne (1 km/h). Elle a traversé l’Atlantique après avoir effectué une boucle dans la Mer du Labrador, rencontrant à cet endroit, des températures de la mer de l’ordre de 1°C. Plus tard, la température est montée jusqu’à 20°C l’été dernier, au milieu de l’Atlantique. La pression atmosphérique a varié, elle, de 962 hPa à 1046 hPa.

La bouée a d’abord été récupérée par des promeneurs qui l’ont emportée chez eux. Grâce à sa localisation, j’ai pu les contacter dès le lendemain. Ils ont du être surpris que je connaisse une partie de leurs activités de la veille. Ceux-ci ont quand même eu la gentillesse de me remettre la bouée et je les en remercie. Elle va maintenant être examinée et pourra peut-être repartir pour un autre périple si cela vaut le coup.

Pour en savoir plus sur ces bouées, vous pouvez visiter le site Web du Data Buoy Cooperation Panel (JCOMM) ou celui du Global Drifter Programme (NOAA).